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Sommeil de plomb, lit de plume.

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Geralt de Riv
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MessageSujet: Sommeil de plomb, lit de plume.   Sommeil de plomb, lit de plume. EmptySam 2 Jan - 20:42

« Le cheval dans l'histoire de maître Jaskier était gris. »
« Ablette et son poil d'ébène. Elle était noire. »
« La jument à la robe cendrée, vers les monstres chaque jour galopait. Elle était grise. »
« Noire »


Joan et Rollad n'arrivaient pas à se mettre d'accord, comme toujours. Les deux frères, accessoirement fils de l'intendant de Kovir et Poviss avaient tous les jours mille et une raisons de s'opposer, et ils n'avaient que quatorze et seize ans. Les domestiques, à l'abri des oreilles indiscrètes, se disaient que quand leur père viendrait à passer l'arme à gauche, ces branquignoles trouveraient sûrement le moyen de lancer une guerre de succession sur des motifs aussi frivoles que cette fichue histoire de pelage équin.

« De toute manière, qu'est-ce que ça peut bien changer ? » avait sifflé Astrid, une jeune employée du palais à une autre. « Ces deux trous du cul se battent entre du gris et du noir. Seulement, le gaillard dont il parle s'est pointé sur un canasson brun. »

« Il est là pour quoi ? » avait demandé Farah, une femme à la peau sombre ramenée depuis les provinces lointaines au-delà du désert de Korath.

« Il est parce que y a des pièces d'or à se mettre dans la poche. » Répliqua Astrid. « J'le sais parce que le père de ces deux branleurs est loquace avec les filles qu'il ramène dans sa piaule. Et les gamines qu'il tringle, c'est moi qui doit les lui ramener du Rosier Ardent et les ramener à leur maquerelle quand il a terminé. Forcément, il leur cause et elles le répètent. »

« Et qu'est-ce que ça dit ? »

« Que la guerre de Succession va sûrement arriver plus tôt que prévu. Et pas à cause des deux crétins qu'on connaît. » Répliqua Astrid. « Arabella de Miridis pouvait prétendre au trône d'ici deux ans. Elle avait même trouvé un parti avantageux avec une autre famille qui briquait la même chose. L'accord parfait. Du jour au lendemain, elle s'est endormie et elle a pas ouvert les yeux. Malédiction qu'ils disent. »

Quand les histoires commençaient à devenir aussi folles, il était courant que de petits attroupements se forment pour écouter les récits fabuleux. Une malédiction, ça n'avait rien de commun. En général, c'était Farah qui racontait ce qu'elle avait vu dans sa vie. Les monstres des sables, les esprits des déserts. Cette fois, Astrid lui volait la vedette et elle en était bien contente.

« Bref, ils ont fait placarder des affiches un peu partout pour chercher de l'aide. Ce matin un chevalier s'est pointé pour proposer son aide. Des alchimistes, un prêtre du feu éternel... »

« Et la sorcière ? »

« Merigold ? Elle est aussi dessus j'pense. Mais l'Intendant n'a pas l'air de lui faire confiance. Elle ne lui est pas loyale, elle sert la cour, pas sa personne. Il serait ravi qu'elle se plante pour avoir une raison de l'écarter. »

Et elle n'avait pas tort. L'intendant aimait bien sa place. Tellement qu'il trouvait ça plutôt arrangeant que la môme de Miridis ait été maudite, ensorcelée empoisonnés ou dieu sait quoi d'autre. Le fait est que s'il ne donnait pas l'impression de tout faire pour aider à ce qu'elle se rétablisse des gens pourraient se poser des questions. Aujourd'hui, il était fort, solidement maintenu en place par son influence et la confiance des différentes familles ayant des droits sur le trône. Et effectivement il voyait d'un mauvais œil cette magicienne. L'empêcheuse de tourner en rond qu'il l'appelait... dans son dos, évidemment.

« Et c'est qui alors, celui au cheval ni noir ni gris, mais brun qui fait causer les deux crétins ? » l'interrogea Farah. Astrid eut l’œil brillant. Pour une fois qu'elle allait pouvoir étaler sa science et parler à Farah de quelque chose qu'elle n'avait jamais vu !

« Un Sorceleur » siffla-t-elle d'une voix mystérieuse. « Un mutant attiré uniquement par l'or. Ils ont massacré les elfes, les Vrans et maintenant ils tuent les monstres et lèvent des maléfices et si les gens essayent de les duper en refusant de les payer... scrouik ! Ils tuent tout le monde et emportent les enfants. Des yeux de vipères qu'ils ont. C'est pas normal ça. Ma main à couper qu'il est là pour l'or.»

Farah sembla horrifiée. Doublement quand elle se rappela que c'était à elle qu'incombait l'accueil des nouveaux arrivants dans le palais. Le chambellan arriva d'ailleurs rapidement, chassant tout le monde d'un geste de la main tandis qu'il attrapait la native Zerrikanienne par le bras en annonçant qu'un visiteur arrivait.

Quand les deux hallebardiers ouvrirent les portes, Farah était morte de trouille. Le contre-jour lui fit entrevoir une silhouette noire à la démarche désinvolte et lente. Il devait la dépasser de deux têtes. Peut-être trois. Elle était mortifiée et elle manqua de tourner de l’œil quand son regard s'arrêta sur les deux yeux de l'inconnu. Des yeux de chat, qui furetaient, incapables de rester focalisés sur elle. Elle ouvrit la bouche pour parler et la referma à plusieurs reprises. L'inconnu l'observa un instant, plissant les yeux en baissant les yeux vers son buste. Elle était persuadée qu'il entendait les battements de son cœur. Quand enfin par miracle elle retrouva un semblant de contenance pour l'inviter à la suivre, elle eut un mal fou à aligner ses pas. Ne serait-ce que l'ombre et le bruit des grincements du cuir du plastron de l'inconnu lui filaient des angoisses. Elle ne s'était pourtant jamais considérée comme impressionnable. Elle fut rassurée de voir enfin arriver l'un des valets qui demanda son nom à l'inconnu. Une voix morne, rocailleuse maugréa un nom que les acouphènes nés de sa frousse l'empêchèrent de bien discerner. Le valet l'annonça d'une voix bien plus forte tandis que les bottes du Sorceleur martelaient le tapis de la grande salle.

« Le Sorceleur Geralt de Riv. »

Farah ayant retrouvé Astrid, elle se tassa contre le mur et chercha à calmer sa respiration. La jeune servante ne put s'empêcher de noter un certain courage de la part de l'intendant qui s'était levé du siège qu'il occupait – il avait la décence de ne pas s'asseoir sur le trône, mais sur un grand fauteuil installé un peu au-devant pour faire croire à un semblant d'humilité vis-à-vis du pouvoir – afin de s'adresser au nouvel arrivant.

« Je me plais à penser que les coïncidences n'existent pas, maître Sorceleur. Néanmoins, je me vois dans l'obligation de te demander que nous vaut l'honneur de votre visite. »

« Les pièces d'or. » Souffla Astrid qui ne put retenir un petit hoquet de stupeur quand les yeux du Loup Blanc glissèrent vers elle.

« Le panorama. » répliqua le Mutant. Une fois encore, il en tira la conclusion que son public du moment était difficile. Les bras à présent croisés, il ne laissa pas à l'intendant la possibilité de comprendre et réagir au fait que le Sorceleur se payait sa tête. « Je cherche Triss Merigold. C'est important.»

Farah glissa un regard en biais à Astrid. Des monstres dévoreurs courant après l'or, hein ?
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Triss Merigold
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MessageSujet: Re: Sommeil de plomb, lit de plume.   Sommeil de plomb, lit de plume. EmptyVen 8 Jan - 23:30


Une petite cinquantaine d’années plus tôt, Triss aurait sans doute pu perdre son sang-froid. Une cour et ses courtisans en ébullition, l’une des prétendantes au trône sur le point de forger l’alliance qui imposerait la passation de la couronne de Kovir et Poviss, restée malheureusement vacante depuis la mort du roi précédent… La magicienne, penchée sur ses chaudrons, fait voler l’une de ses mèches de feu rebelle en soupirant. Elle est blasée. Finalement, l’histoire se répète inlassablement. Les hommes et les femmes de pouvoir s’entre-déchirent, gniagniagnia… Elle lève les yeux au ciel. Classique.

En attendant, une pauvre jeune femme est plongée dans un sommeil duquel personne ne semble pouvoir la tirer. Elle a beau ne rien manger ni ne rien boire, elle ne dépérit pas. C’est une malédiction, à n’en point douter. Nul besoin d’être sorceleur pour le comprendre… Tout comme Triss n’avait pas besoin d’être sorceleuse pour savoir qu’elle aurait sans doute besoin d’un pour rompre cette malédiction. Bras écarts, en appui sur ses poings sur son plan de travail, elle laisse tomber mollement sa tête, le silence de la pièce brisé uniquement par les bouillonnements paresseux qui émanent de ses chaudrons. Des jours qu’elle essaie de chercher un remède, une potion, quelque chose… Le fait est qu’elle ignore si elle doit traiter la princesse maudite, ou bien l’objet qui l’a maudite.

Il la nargue, là, dans un coin de la pièce, aiguille en avant et laine pendouillante… Le rouet. C’est la fée qui l’a maudite, vous dis-je ! Elle en est jalouse depuis qu’elle est née ! A nouveau, la magicienne soupire. Cette demoiselle n’aurait eu qu’un ou deux rivaux, l’affaire aurait été vite expédiée. Le fait est que les prétendants au trône ne manquent pas, jusqu’à cet intendant de malheur qui, bien que lui réglant ses gages, fait tout pour lui mettre des bâtons dans les roues… Il se garde bien de la chercher de trop près depuis qu’elle lui a subtilement fait comprendre qu’elle n’hésiterait pas à le changer en crapaud s’il l’enquiquinait de trop… Il n’a pas besoin de savoir que ce n’est pas vrai. Le nœud de l’affaire est plutôt là, d’ailleurs.

Quoiqu’il en soit, la magicienne, pour l’instant, fait choux blanc. Avec une moue, elle commence à considérer la possibilité d’écrire à Geralt. Leur dernière séparation lui a laissé un souvenir doux-amer. Elle aurait préféré laisser quelques années s’écouler, oublier, avant de croiser de nouveau la route du sorceleur. Il aurait été beaucoup plus plaisant d’appeler Vesemir, si la mort ne l’avait pas déjà fauché. Quoique, la route aurait sans doute été longue pour le vieux bougre qu’il était… Et avec ses maux de dos, Triss ne lui aurait jamais demandé d’entreprendre un tel voyage. Sauf si peut-être avec un portail ? Un sourire nostalgique vient un instant flotter sur ses lèvres. Il lui manquait. Que lui restait-il, donc, comme option ? Contacter Eskell, peut-être ? Où pourrait-il être ? En tous cas, une chose est certaine… Elle ne s’abaisserait pas à quémander à ce… de Lambert !

De petits coups frappés à la porte de son laboratoire la tirent de ses pensées. « Entrez.» Astrid ouvre la porte, mais ne met pas un orteil dans le laboratoire. A voir sa tête, il aurait fallu la payer cher pour qu’elle le fasse… « Miss Merigold, l’intendante vous demande… » C’est à peine si la magicienne retient une expression de dégoût. « Par Melitèle, s’il est encore question d’un mage prêt à m’offrir son aide pour la princesse, je jure de lui fourrer son contrat dans le… » La servante lève les mains en signe de paix. « Celui qui vaut cette demande n’a pas vraiment l’air d’un mage, Miss… Mais, venez voir par vous-même… » Elle esquisse une révérence, et devance la flamboyante rouquine qui quitte son laboratoire en haussant un sourcil. Elle ferme la porte, et jette un sortilège de protection, avant de rejoindre d’un pas lent la salle du trône. Triss n’est pas arrogante au point d’aimer se faire désirer… Mais elle aime ménager ses entrées. Enfin, parfois. Pas aujourd’hui. Aujourd’hui, elle se sentait plutôt blasée.

Pour autant, elle ne peut masquer, même si elle est brève, sa surprise en découvrant la haute silhouette de Geralt de Riv, debout, au milieu de la salle d’audience, face à un intendant sceptique et contrarié. En entendant ses talons claquer sur les dalles de marbre du palais, il tourne une tête renfrognée dans sa direction. « Ce sorceleur semble être là pour vous, Merigold. J’ai pris la liberté de lui parler de cette malédiction… Peut-être qu’avec un peu d’aide, vous vous rendrez enfin utile… » Triss serre les poings et les dents, alors que l’intendant, tout content de sa pique, s’apprête à boire une lampée de vin. Brièvement, ses orifices respiratoires se bloquent, le faisant suffoquer, à moitié s’étouffer dans sa boisson, et se baver dessus. Triss prend un air aussi scandalisé que les autres, mais le regard qu’ils échangent, l’intendant et elle, est sans équivoque. Elle lui fait clairement comprendre que c’est elle, et que s’il veut jouer au plus malin, elle peut lui rendre la vie très difficile.

En attendant, c’est à côté de lui qu’elle se campe, hanche cambrée et bras croisés sous sa poitrine. « Bonjour Geralt. Que me vaut le plaisir ? » C’est très étrange, et excessivement malaisant que d’entamer une discussion avec le sorceleur au milieu de toutes ces paires d’yeux qui les scrutent… Bien qu’habituée à parler en publique, voire à se donner en spectacle, ça n’a jamais frôlé d’aussi près sa vie privée, Triss ayant toute sa vie pu garder ses frasques pour elle, entre les murs où ont pu se dérouler ses diverses parties de débauche. Du reste, revoir le sorceleur lui laisse des sentiments encore plus ambivalents qu’elle ne l’aurait cru. Une part d’elle-même est ravie de revoir sa trogne abimée et bougonne, ces yeux de chat à la lueur si intense qu’on aurait dit celle d’une bougie, tandis que l’autre avait juste envie de l’expédier hors du château à grands coups de botte dans le… Enfin, une dernière partie souhaitait que l’indifférence prenne le dessus. Le tout donne à la rouquine une expression plutôt fermée, et difficile à déchiffrer. Pour autant, elle est prête, enfin le croit-elle, à entendre ce qu’il a à lui dire…
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MessageSujet: Re: Sommeil de plomb, lit de plume.   Sommeil de plomb, lit de plume. EmptySam 9 Jan - 21:08

En réalité, l'arrivée de Triss sembla bien tardive aux yeux du Sorceleur. Il aurait aimé couper court aux récits de l'Intendant qui avait donné son avis sur la magicienne, qui s'était étendu sur des explications compliquées au sujet des difficultés à trouver un texte permettant de couronner légalement un véritable roi et qui avait cru bon de prendre les silences du Sorceleur pour une invitation à lui expliquer l'état dans lequel se trouvait la princesse endormie. Le Loup Blanc n'avait pas été aussi saisissant que le racontait Jaskier, une certaine déception se lisait dans les regards qui se braquaient sur lui. Le barde avait probablement un peu trop abusé sur certaines notions chevaleresques, romantiques ou martiales. L'ironie étant que des idiotes pendues à ses lèvres qui demeuraient closes, aucune ne crut bon d'avoir l'éclair de jugeote nécessaire à comprendre que l'une des tristes partenaires des romances impossibles qui faisait pleurer les rêveuses venait de faire son entrée.

Le même attrait pour les mêmes couleurs, les mêmes décolletés plongeant, mais pas assez pour laisser deviner les marques laissées par Sodden, les mêmes doigts délicats, mais desquels ses sens de limier lui permettaient de sentir émaner l'odeur des ingrédients d'alchimie. Elle n'avait pas non plus perdu de sa fierté et de sa fougue. Triss était toujours Triss après sept années sans se croiser.

Alors quand il y eu un mot trop incisif de la part de l'Intendant, Geralt amena sa main jusqu'à son cou pour plaquer le médaillon qui s'était mis à vibrer. Il plissa légèrement le nez devant l'odeur infime d'ozone qui trahissait l'utilisation d'un sort et sans surprise il contempla l'homme qui s'étouffait avec son verre, sans bouger le petit doigt. La crise d'étouffement passée, il brisa le silence dans lequel il s'était muré.

« J'imagine que ce n'est pas pour rien qu'on dit que le vin de Vicovaro est un breuvage de roi.»

Conclut le Sorceleur, avec une pointe de provocation. Ses pupilles fendues glissèrent jusqu'à Triss, plus proche, avant de glisser aux alentours. Leur conversation à venir donner l'impression de fasciner bien des gens. Et il n'avait absolument pas envie de prononcer le nom de Ciri ici. Déjà que le pays vivait une crise de succession, si quelqu'un venait à penser que le Lionceau de Cintra était dans les parages, ce pourrait être le début d'une série d'ennuis. Et puis, quelque chose lui disait que l'Intendant ne l'aimait pas trop. Même si Triss suscitait davantage d'hostilité, et ce avant même qu'elle ne joue avec la magie pour le faire taire.

« Triss. » Il la salua d'un léger signe de la tête. « Hm quelque chose qui changera de l'ordinaire. » Commença-t-il comme s'il s'apprêtait à lui déclarer quelque chose qu'elle n'aurait probablement jamais entendu de sa part. Le problème étant qu'il était bien incapable de créer le décalage d'une blague via un changement de ton, même infime du fait du ton toujours morne et froid de son timbre de voix. La blague tombait à l'eau avant même d'être réellement envoyée. « Je cherche quelqu'un. Zirael. »

Il y eut quelques chuchotements. Jaskier avait écrit quelques chansons sur une hirondelle au ramage cendré blessée par les hommes du Hérisson, recueillie par les loups qui lui avaient appris à mordre. Une vraie ménagerie . D'autant qu'il y avait plus tard dans l'histoire une pie parfumée, une chouette acoquinée à un goret maître-espion, quelques buses et alouettes et un majestueux paon pour chanter cette histoire à toute la basse-cour.

Geralt savait que Ciri était passée dans le coin et qu'elle avait accepté quelques contrats. Avec la peste, même Kovir voyait les Monstres ressurgir, la faute aux nombreuses fosses communes que les villes et villages les plus modestes étaient contraints de creuser à défaut d'avoir le temps et les moyens d'enterrer convenablement les très nombreux défunts. Ce chaos attirait les Monstres. Il avait même entendu dire que des noyeurs s'étaient glissés jusqu'au cœur de la ville et qu'à la nuit tombée ils boulottaient de temps à autre un gamin qui traînait, une fille de joie ou un gondolier.

« Nous devions nous retrouver à Oxenfurt il y a quelques semaines. Elle n'est pas venue. Je sais qu'elle était en Kovir. Je sais aussi que si elle avait eut besoin d'aide, elle serait venue te voir en priorité. »

Question de logique. Ciri savait que Triss était dans le coin, si elle avait eu un problème, elle n'aurait sûrement pas hésité. Du reste, Geralt était surtout intrigué plus qu'inquiet. Lorsque Ciri est en danger, il rêvait d'elle or, rien depuis plusieurs années. Juste une angoisse inexplicable, probablement injustifiée.
Geralt eut un rapide coup d'oeil autour d'eux une fois encore.

« Miss Merigold a des affaires plus urgentes. »

« Et une langue suffisamment affûtée pour me le dire elle-même. Il vous reste une goutte... là » grogna le loup blanc en retour, désignant du nez la gros tâche bordeaux qui souillait le haut de sa tunique. Foltest et Meve et Anna Henrietta mis à part, Geralt ne se souvenait pas avoir croisé un souverain agréable. La plupart étaient à l'image de l'intendant : hautains, persuadés que le monde tournait autour de leur nombril et persuadés qu'on ne pouvait pas les atteindre. Il reprit, un ton plus bas.

« Tu me montrerais ce que tu as, sur cette fille endormie ? »

Il ne serait pas le bienvenu longtemps s'il ne se montrait pas un minimum utile de toute manière. Et l'hostilité du régent suffisait à elle seule à lui donner envie de résoudre cette affaire qui semblait plutôt complexe.
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Triss Merigold
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MessageSujet: Re: Sommeil de plomb, lit de plume.   Sommeil de plomb, lit de plume. EmptyJeu 21 Jan - 17:59


Elle n’est pas sotte, Triss. Elle sait pertinemment que Geralt a senti qu’elle venait de se servir d’un sort et pourrait, s’il le souhaitait, lui rendre la vie difficile. Elle doute qu’il le fasse cependant, puisqu’en fuite, ou disgraciée, quelle utilité aurait-il d’elle ? Du reste, elle ne doute pas que l’Intendant se soit fait de lui un allier, le temps que l’une des servantes vienne la chercher. L’homme est tellement débonnaire, tellement adorable, tellement généreux et porte tellement la bienveillance sur lui qu’il ne peut pousser qu’à l’affection ceux qu’il croise. Son appétit pour le pouvoir et son hypocrisie ne sont absolument pas perceptibles, en particulier pour un sorceleur… En bref, la magicienne ne se fait pas vraiment de souci à exprimer sa contrariété. Elle doute, aussi, que l’intendant ne l’interpelle devant tout le monde pour cet outrage, sous peine de passer pour encore plus ridicule qu’il ne l’était. Blâmer une magicienne d’une grande renommée et de deux fois son âge de tours aussi puérils ? Et pourtant… Sous bien des aspects, bien qu’ayant une âme approchant le siècle, Triss ne s’était pas sentie vieillir. L’image toujours indemne de la moindre ride, sa crinière de feu toujours exempte du moindre cheveux blanc n’aidait pas à la faire gagner en sagesse. Un corps qui ne vieillit pas n’incite pas à la prudence. Elle peut toujours boire sans en éprouver de l’inconfort le lendemain, toujours courir sans s’essouffler, sans que ses muscles ne la fassent souffrir. Elle est toujours forte, se sent toujours forte, et donc a toujours un tempérament capable de verser dans l’imprudence, dans l’inconséquence… Encore capable d’être puéril, malgré l’âge de la dame.

Raison pour laquelle elle se permet un petit sourire mesquin à la remarque de Geralt. Une façon subtile, ou pas tant que ça, pour rappeler à l’intendant qu’il n’occupe sa place que par un coup du sort, et que, bientôt, il serait renvoyé aux limites de l’anonymat. Forcément, l’homme n’apprécie pas. Mais ce qu’il apprécie encore moins, c’est cet ersatz de bulle qui se forme, malgré les curieux, entre Triss et Geralt. Ils parlent un langage qu’il ne peut comprendre. Ou plutôt, si. Il comprend les mots sans comprendre à quoi ils réfèrent, ce qui porte sa frustration à son paroxysme. Pour autant, il n’a aucun pouvoir supplémentaire sur la magicienne, et encore moins sur un sorceleur itinérant. Il ronge donc son frein, visiblement contrarié par son impuissance.

Le trait d’esprit de Geralt aurait fait rire Triss si la dernière fuite de Ciri ne les avait pas faits passer si près de la catastrophe. Quand il lui dit chercher quelqu’un, la magicienne sait immédiatement de qui il s’agit et se retient de lever les yeux au ciel. Geralt courant après Ciri. La destinée, et tout ce qui s’en suit… Ne manque que l’hirondelle à cette histoire. Pourquoi lui demander à elle plutôt qu’à Yennefer ? Peut-être Yennefer est-elle déjà sur le coup ? La tête de la rouquine se redresse légèrement. Elle n’a toujours pas répondu, bien que Geralt peut voir dans ses yeux qu’elle a parfaitement compris ce qu’il vient lui demander. Loin de jauger si elle lui apporterait son aide ou non (elle le suivrait jusqu’au bout du monde pour Ciri), elle réfléchit et laisse, de ce fait, un peu plus de temps au Loup Blanc pour poursuivre ses explications, lui donne l’opportunité de lui dire pourquoi venir la voir elle plutôt que celle qui se revendiquait comme sa mère adoptive.

Toujours silencieuse, les yeux verts de la magicienne se plissent légèrement à la mention de Ciri en Kovir. Il ne lui semblait pas avoir entendu quoique ce soit à propos d’une sorceleuse dans les environs du château. Si Ciri était passée, elle n’avait pas fait de détour par son labo. La magicienne ignore si elle doit s’en vexer ou s’en inquiéter, avant de soupirer discrètement. Ce n’est pas à elle de juger les errances d’une source. Du reste, moins que ses pouvoirs, c’est Ciri, la jeune femme, qu’elle espère en bonne santé. Finalement sur le point de répondre, Triss gonfle ses poumons et ouvre la bouche pour mieux se voir couper la chique par l’intendant. Sa tête se tourne dans sa direction, sourcil haussé, visiblement choquée de la prétention de l’homme. Heureusement, la répartie de Geralt la dissuade de répondre. Ses yeux revenant au Loup Blanc, elle finit par hocher la tête en signe d’assentiment. « Viens avec moi. » Elle l’invite, avant de prendre congé de l’assistance, et de guider le sorceleur à travers les couloirs du château de son laboratoire. Sa démarche est toujours la même. Ondulante.

Préférant ne rien lui dire à propos de Ciri dans les couloirs, la magicienne se contente de marcher dans le silence. Arrivée devant son laboratoire, elle en ouvre la porte, sachant pertinemment que les effluves chargées des encens et autres potions, concoctions et préparations diverses agresseraient le nez si sensible du sorceleur. La vengeance est mesquine, mais loin d’être aussi douloureuse que de l’avoir vu lui tourner le dos, au port de Novigrad, sept ans plus tôt. Pour autant, pour donner le change, elle se presse d’aller ouvrir la fenêtre pour créer un courant d’air et tenter de rendre la pièce respirable pour Geralt. Ceci fait, elle revient vers lui et, comme plus tôt dans la salle du trône, croise les bras sous sa poitrine et cambre sa hanche. « Je n’ai malheureusement aucune nouvelle de Ciri, mais on peut essayer de retracer son parcours en Kovir si tu le souhaites. Si tu as pu suivre sa trace dans les îles de Skellige, ici ce sera un jeu d’enfant. » Elle hausse les épaules, avant de se tourner et d’aller dans le fond de son laboratoire, où reposait un rouet au milieu d’un cercle de glyphes qui s’illuminaient faiblement de rouge, de façon intermittente. « L’objet sensé être à l’origine de la malédiction. La fille s’y est piquée le doigt. Je ne sais pas par quel morceau le prendre. Est-ce que je dois chercher à travailler sur la fille ou sur le rouet ? La seule chose dont je suis certaine, c’est que détruire l’engin ne m’aidera pas, mais j’ignore même si, si quelqu’un d’autre se piquait, il ou elle serait maudite à son tour… » Elle explique, réfléchissant toujours au fur et à mesure que les mots se délient de sa bouche. Enfin… Si quelqu’un peut l’aider sur un sujet de ce genre, c’est bien Geralt. C’est, sans doute, ce qu’il pouvait arriver de mieux à la pauvre fille…
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Geralt de Riv
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MessageSujet: Re: Sommeil de plomb, lit de plume.   Sommeil de plomb, lit de plume. EmptyMer 27 Jan - 21:38

Le Sorceleur secoua lentement la tête de haut en bas à l'invitation de Triss, avant que son regard ne glisse à nouveau vers les quelques servantes qui semblaient avoir trouvé un filon particulièrement riche en ragots à extraire. Des légendes, une dose de cachotterie, une histoire de malédiction et deux personnages à l'aura particulière. La Sorcière, puissante, éduquée, sage. Le Tueur de Monstres, froid, violent, avare.

Sans un regard de plus pour le régent, le Loup Blanc emboîta le pas de Triss non sans laisser son regard se perdre sur l'architecture des lieux. C'était à la fois très différent et très semblable aux palais Nilfgaardien. Kovir étant riche, les châteaux suintaient le luxe et celui-ci tout particulièrement. La différence avec le Sud était sûrement lié au fait qu'ici on préférait le marbre blancs quand du côté d'Emhyr tout n'était que noir et or.

Ils traversèrent plusieurs couloirs, Geralt jetant quelques regards par-dessus son épaule en percevant sans mal les pas pourtant discrets des commères bien décidées à les espionner. Il savait que ça faisait partie des jeux à la cour. Ce qui sort de l'ordinaire captive. Triss et Geralt avaient déjà droit à des réactions similaires lorsqu'ils travaillaient tous les deux pour Foltest.
D'un geste de la main, il plaqua son médaillon qui vibra quand Triss s'apprêta à ouvrir. Un laboratoire de magicienne avait toutes les raisons du monde de le faire réagir.

Les odeurs lui firent plisser le nez, même si elles furent sûrement moins agressives pour lui qu'on aurait pu le penser. Son odorat était affreusement sensible, mais il était habitué à des effluves bien pires. Néanmoins, il fut reconnaissant envers Triss de songer à ouvrir la fenêtre... plus ou moins rapidement. Fut un temps où elle aurait sûrement été plus prévenante à son égard.

Les bras croisés, le Sorceleur s'était adossé non loin de l'entrée afin d'écouter la magicienne au sujet de Ciri. L'Hirondelle n'avait pas volé dans le coin, à en juger par ce que lui apprenait Triss. Geralt ne savait pas s'il devait être soulagé ou non par la nouvelle. Dans un sens, si Ciri avait vraiment eu besoin d'aide, elle n'aurait pas hésité à venir trouver Triss ici. D'un autre côté, elle ne l'avait pas fait et retrouver sa trace n'en serait que plus difficile.

« Skellige est un petit endroit. Et les étrangetés de Ciri font qu'elle a été facile à trouver. En Kovir, les étrangetés sont communes. »

La situation qu'elle lui présenta sommairement par la suite en était la preuve vivante. Ailleurs, on se serait contenté de payer un assassin pour régler le problème. Une dague dans le dos suffit. Mais ici, les gens composent avec la magie et l'alchimie comme ils composent avec des choses plus communes. Une échoppe de magie peut se monter à côté d'une boulangerie.
Le regard de chat du Mutant glissa vers le rouet. Il daigna l'approcher de quelques pas. Son médaillon vibra assez pour que la chaînette tinte un peu.
Il renifla.

« Pas de poison sur l'aiguille. De la magie seule, à l'évidence.»

Il se redressa et croisa à nouveau les bras. Son regard resta sur Triss avant de glisser vers la porte. Des oreilles les épiaient. Il savait desquelles il s'agissait.

« Quant à savoir s'il est encore dangereux... les caves doivent être pleines de rats ou de matous... »

Il fit quelques pas rapides et curieusement discrets pour rejoindre la porte qu'il ouvrit d'un geste rapide et sec pour surprendre le trio de servantes qui s'étaient amassées là pour écouter aux portes en quête de ragots à répéter. Geralt doutait fortement qu'elles fussent ici sur ordre du régent.

« … ou d'autres indésirables. »

Grogna-t-il en durcissant les traits de son visage et en forçant sur le rauque de sa voix afin d'accentuer la menace qu'il pouvait faire peser sur les jeunes femmes trop curieuses.

« Trouvez un chat... ou un rat. Avant que je ne commence à argumenter avec la Dame afin qu'elle mène les expériences nécessaires sur un cobaye bien plus grand. Au hasard, une courtisane. Pic... nic... douille... »

Il n'avait pas le cœur à aller lui-même crapahuter dans les sous-sols à la recherche d'un rongeur ou d'un félin.
La sévérité de son regard sembla être un argument suffisamment percutant pour les faire accéder à sa requête. Il referma simplement la porte et en revint à Triss.

« Si tu veux mon avis, se concentrer uniquement sur le rouet ne permettra pas de faire des avancées notables pour le moment. La fille est une princesse de Kovir. Ce n'est pas un accident, quelqu'un est responsable. Et je mettrais ma main à couper qu'il s'agit de quelqu'un qu'elle connaît. »

La magie utilisée permettrait possiblement de se faire une idée de la personne ayant concocté ce maléfice. Ceci dit, des magiciens prêts à tout pour de l'or en Kovir, il devait y en avait beaucoup. Mieux valait, pour commencer, trouver la personne qui pourrait avoir commandité ce drôle de crime.

« Ce ne sont pas les intrigues qui manquent. Un mariage récent, un intendant qui risque de perdre sa place, des familles écartées par la force des choses. Dans ces endroits les oreilles traînent, je suis sûr que si nous allions poser les bonnes questions aux bonnes personnes dans les palais des alentours, nous y verrions plus clair. »

Il ajoute avec ce qu'il voulait être de l'ironie mais que son ton monotone ne faisait pas ressortir.

« Et je doute que l'Intendant cherche à nous retenir ici, de toute manière. »
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Triss Merigold
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MessageSujet: Re: Sommeil de plomb, lit de plume.   Sommeil de plomb, lit de plume. EmptyVen 9 Avr - 18:13


Les mages, à leur fuite de Novigrad, avaient eu une chance insolente que le royaume de Kovir et Poviss accepte de les accueillir. Entre les fanatiques du feu éternel et la croisade de Radovid, sans oublier les désagréments causés par les monstres, présents en pagaille depuis la conjonction des sphères, l’opinion publique sur le continent et dans les îles, concernant la magie, n’avait jamais été au plus bas. C’est d’ailleurs ce qui avait fini par mettre le feu aux poudres à Novigrad, l’idée que les magiciens, ou plutôt la disparition des magiciens, puisse être une solution à cette prolifération des monstres. Dans ces circonstances, plus que chanceuse, Triss s’était sentie relativement reconnaissante au monarque de l’accueillir parmi ses conseillers, et ne peut que déplorer qu’il soit mort si tôt.

Ce n’est pas comme si elle y pouvait quoi que ce soit, cependant, et, comme le reste du royaume, doit se faire une raison et attendre que la situation se débloque et qu’un nouveau monarque monte sur le trône, même si attendre ne veut pas dire demeurer passive. Après tout, s’il y a bien un trait qui n’a jamais caractérisé la magicienne, c’est bien la passivité. Triss n’a jamais accepté de se croiser les bras et d’attendre, en simple spectatrice, que d’autres décident de son destin. Au contraire, elle en a toujours été une actrice particulièrement active. Aujourd’hui, donc, même si la situation n’est pas aisée, il en va de même. Si elle a son avis personnel quant à celui qui serait le mieux désigné pour succéder au précédent souverain, elle n’entend pas mettre ses préférences dans la balance, pas quand une jeune noble finissait maudite de la sorte. Quoiqu’il arrive, elle devra respecter les lois du royaume et se satisfaire du dénouement de cette histoire, l’intendant lui-même (que Méritèle les en garde) devrait-il devenir ce souverain.

En cela, l’arrivée de Géralt est réellement une aubaine. Qui de mieux qu’un sorceleur pour briser une malédiction ? Alors, certes, après leurs froids adieux à Novigrad, elle aurait préféré Vesemir, mais… Faute de grive, on mange du merle, paraît-il. Et puis… Et puis, même si ça n’est pas réellement dans sa nature, une pointe de mesquinerie anime Triss à l’encontre du Loup Blanc, l’idée de lui rendre la monnaie de sa pièce, de lui faire passer un sale quart d’heure… Difficile quand la personne à qui on souhaite faire du mal est aussi placide que Géralt. Est-ce encore seulement possible, pour Triss, de lui faire du mal ? Peut-elle encore l’atteindre ? Et pourquoi se retrouve-t-elle à se poser ce genre de questions ?

Heureusement, quelque part, que le sorceleur recentre la discussion, et les pensées de la rouquine, sur Ciri. Elle ne réagit pas, mais elle comprend ce qu’il lui explique, et lui reconnaît la raison. De fait, étant donné qu’un certain nombre de royaumes s’étaient retournés contre les magiciens, Kovir devenait une place où ils pouvaient faire leur place dans une tranquillité relative… Alors un monstre, l’explosion d’une tour ou encore l’hirondelle prête à en découdre, au final, ça n’est qu’un jour lambda pour une terre de magie et de magiciens.

Quoiqu’il en soit, cette brève introduction suffit à permettre à Triss de se reconcentrer sur l’essentiel, occultant, au moins pour un temps, ses déboires sentimentaux. La magicienne a toujours aimé les énigmes et les jeux d’esprits, chose qu’elle retrouve dans l’élaboration de potions complexes. Il lui est donc aisé de s’engouffrer totalement dans cette problématique que représente cette étrange malédiction, sans aucun doute liée à la problématique de la succession au trône. Après tout, les nobles sont des nobles, intrigants un jour, intrigants toujours. Bras croisés sous sa poitrine, elle écoute les déductions du sorceleur et est satisfaite de savoir qu’il ne s’agit pas de poison. Ils peuvent ainsi faire fi des bêtes anti-poisons et autres remèdes d’apothicaire. C’est le menton haut et l’œil fier qu’elle fait face à Géralt, qui singe sa position, avant de parvenir à la faire sourire, dans son dos, et hausser un sourcil face aux têtes effrayées des servantes sur lesquelles la porte s’ouvre. « Je serai vous, je ne discuterai ni ne traînerai pas ! » Elle ajoute, après l’ordre de Géralt, histoire d’ajouter un peu d’huile sur le feu, et attend que le sorceleur en revienne à elle, bras toujours croisés et hanche cambrée, pour lui livrer ses impressions.

Soucieuse, levant les doigts jusqu’à son menton, elle écoute les arguments de Géralt. Un peu piquée par son premier commentaire, elle est tentée de le rabrouer, de le mordre verbalement, mais parvient, elle ne sait trop comment, à garder son calme. Peut-être le fait qu’il continue à parler et aie des choses pertinentes à dire. Malgré elle, cependant, elle a un petit rire à sa pique envers l’intendant. « Je pense qu’il est partagé, si tu veux tout savoir… Entre l’idée de nous savoir loin d’ici, et le fait de nous garder à l’œil. » Elle hausse les épaules, et soupire. « Trouver le lanceur de la malédiction suffira, tu penses ? A moins que nous ayons de la chance, nous sommes partis pour pas mal d’interrogatoires… Les rivaux sont nombreux. Tu crois que je peux essayer de trouver comment lever la malédiction à partir du rouet ou que je n’ai aucune chance ? » Pas qu’elle ne veuille pas aller enquêter avec lui, comme au bon vieux temps, mais s’il n’y avait qu’une toute petite chance qu’il rentre caduc de son enquête et qu’elle réussisse… Pour le royaume, il faudrait qu’elle essaie. « Dans tous les cas, je te propose que nous attendions déjà les filles avec les rats ou les chats, histoire de voir si la malédiction touche quiconque se pique le doigt, ou si ça ne pouvait atteindre que la princesse… » En tous cas, pour sa part, Triss est résolue à rester jusqu’à ce qu’ils aient fait ce petit test…
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Geralt de Riv
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MessageSujet: Re: Sommeil de plomb, lit de plume.   Sommeil de plomb, lit de plume. EmptyDim 16 Mai - 22:23

S'il y a bien une chose que Geralt avait appris ces dernières décennies, c'est qu'il valait mieux toujours se ranger du côté des magiciennes et limiter autant que faire se pouvait les oppositions. Il marqua son désaccord d'un simple croisement des bras et en appuyant ses reins contre un établi qui semblait suffisamment lourd pour pouvoir accueillir son poids. Si Triss voulait qu'ils attendent de tester de suite les effets du rouet sur un chat, un rat ou une servante, ils attendraient. Geralt restait toutefois assez peu convaincu quant à la nécessité première d'une telle manœuvre. Que le maléfice fonctionne ou non, ils auraient à poser des questions ici et là.

« Des chances d'y parvenir, tu en auras toujours. N'importe qui peut deviner le mot de passe d'un bordel. Mais dans la grande majorité des cas la tentatives sera au mieux simplement infructueuse, et au pire elle entraînera une belle rouste.»

Il arqua un sourcil, cassant lui même sa métaphore avec ce qui, une fois encore, ressemblait à une blague.

« Sauf s'il s'agit de Jaskier. »

Ajouta le Mutant non sans laisser une esquisse de sourcil rehausser le coin de ses lèvres soulignant de manière terriblement évidente tout son amusement du moment.

Amusement qu'il étouffa de suite en se renfrognant à nouveau. Il ne chercha pas à pousser plus loin son explication, Triss comprendrait sans doute qu'il voulait dire qu'y aller au petit bonheur la chance n'était pas vraiment une option qu'il jugeait viable. Elle était bien placé pour savoir qu'il existait des dizaines et des dizaines de malédictions différentes liées au sommeil. Et qu'il existait pour chacune de ces malédictions au moins autant de dizaines de dizaines de manières de construire un tel sortilège.

« Travailler sur le rouet pourrait éventuellement t'amener à y découvrir des procédés magiques précis qui pourraient nous aider à supposément retrouver la personne qui pensé ce sort. Si on trouve la personne qui a payé le mage, je suis à peu prés sûr que nous serons suffisamment persuasifs pour l'amener parler. Mes compétences s'arrêtent là pour l'instant. Contrairement à toi, je n'ai pas la possibilité d'entrevoir les rouages précis de la magie. »

Il ajouta, non sans une certaine désinvolture :

« Et je trouve ma méthode plus adaptée à mes compétences sociales. »

Pas de sourire cette fois, il resta aussi neutre qu'il l'était toujours mais c'était bel et bien une autre de ses remarques qu'on pouvait qualifier de blagues. Vesemir lui répétait souvent qu'à trop traîner avec ce fainéant de Jaskier il finirait comme lui. L'idée lui fit faire grise mise. Il y a peu, il avait même poussé la chansonnette. Quelle histoire.

Immobile, les bras toujours croisés, il laissa à Triss le soin de faire... ce qu'elle avait envie de faire. Lui se contentait d'attendre qu'on lui ramène ce fameux rongeur ou félin pour tester leurs affaires. Qu'avait-il de mieux à faire de toute manière ? Il n'était probablement pas de bon ton qu'il quitte la pièce pour rôder dans le château. Les Seigneurs, d'où qu'ils viennent aiment les Sorceleurs, mais pas quand ils errent dans les couloirs de leurs domaines. Qui plus est, il connaissait bien trop Triss pour ignorer qu'elle n'était pas si heureuse que ça de le voir. Il l'avait connu plus joviale. Et avouons que la mention de la jeune Hirondelle l'avait davantage fait réagir que sa simple apparition. Leurs adieux étaient sûrement en cause. Aurait-elle exigé qu'il rampe pour implorer son aide qu'il l'aurait fait. Pour Ciri, le Loup Blanc était prêt à troquer bien des choses. Même sa dignité. Quoiqu'il est difficile de penser qu'un Sorceleur puisse en avoir.

Le pesant silence installé là fut par chance brisés par des pas rapides dans le couloir. Une foulée nerveuse, quelques petits rires excitées. Le cobaye allait être là bien plus tôt que prévu. Geralt se décala pour ouvrir la porte juste avant qu'elles ne frappent... simplement parce qu'au fond de lui, il s'amusait bien de la frayeur qu'il lisait dans les lieux des gamines. Pas qu'il aimait être craint. Mais disons que ce jeu tordu avait le mérite de lui faire mettre de côté la gêne de ce moment de silence ô combien gênant.

« Un chat. J'aurais préféré quelque chose de plus gros mais ça fera l'affaire. »

conclue-t-il en attrapant l'animal avec la délicatesse d'un docker de Novigrad. Il le tint à bout de bras, les doigts couverts de cuir tenant la peau du cou de la bestiole qui pendait sans oser broncher et qui, étonnement, contemplait le rouet d'un air presque ahuri. On dit que les chats voient aussi dans l'au-delà. Si c'était vrai, peut-être voyait-il ce qui émanait du rouet. Ou peut-être était-il juste un animal apeuré qui fixait bêtement droit devant lui en attendant que le temps passe et qu'une opportunité de mettre les voiles se présente, espérant que les doigts qui le maintenaient finiraient par faiblir.

« Tu t'en charges ? »
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Triss Merigold
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MessageSujet: Re: Sommeil de plomb, lit de plume.   Sommeil de plomb, lit de plume. EmptyMer 26 Mai - 17:04


Non, Triss n’est pas amène avec Geralt. Elle n’a pas encore tout à fait digéré correctement son silence et son désintérêt à son départ de Novigrad. En même temps, elle s’en veut à elle-même, aussi. Comment a-t-elle pu penser pouvoir éclipser Yennefer ? Aussi malsaine que soit leur relation à tous les deux, elle avait toujours pris le pas sur tout, sauf peut-être sur la relation entre Ciri en Geralt… De quoi faire râler la rouquine, d’ailleurs, puisqu’une dynamique, presque de famille, s’était installée dans le trio, Yennefer revendiquant la place de la mère, excluant de ce fait Triss de ce triptyque quand la magicienne rousse estimait avoir autant, sinon plus, mérité ce titre que la dame au parfum de groseille et de lilas. Quoiqu’il en soit, l’amertume de la rouquine est toujours là, et bien là, ce qui la rend peu complaisante vis-à-vis du sorceleur. Seulement voilà, faute d’hirondelle, on mange du loup, et si elle aurait préféré un autre sorceleur, question d’affinités, Triss n’est pas assez mauvaise vis-à-vis du Loup Blanc pour lui nier son extrême efficacité et son impressionnante longévité. Avec les risques qu’il prend, il devrait déjà être six pieds sous terre… Mais non.

Bon gré, mal gré, donc, ils doivent arriver sur la fin, remonter aux sources de cette malédiction, et ensuite, chacun reprendra sa vie… Sans l’autre. Triss ne sait si elle attend ce dénouement avec impatience, ou si elle le redoute et se gâche les quelques moments qu’elle passe avec Geralt en se montrant grognonne. Il faut dire que le massif combattant de monstres n’a pas son pareil pour doucher la bonne volonté de la magicienne. Elle sait qu’il a raison, bien sûr, quand il sous-entend, à sa façon, qu’elle avait toujours une maigre chance de lever seule la malédiction, et devinait bien une réponse de cet acabit, mais le deviner et l’entendre sont deux choses totalement différentes. Cela étant, c’est, à nouveau malgré elle, qu’elle pouffe discrètement en entendant la feinte à propos de Jaskier. « Jaskier ne compte pas, il a un sens inné pour ce genre de choses… A peu près comme Ciri et toi avez un talent inné à vous attirer des ennuis. » Géralt n’est pas le seul à pouvoir feinter, comme le prouve Triss, sourire en coin et sourcil haussé.

L’instant humour touchant à son terme, la magicienne redevient pensive au commentaire de Géralt concernant le mage ayant lancé le sort, avant de pouffer un peu, à nouveau, quand le sorceleur évoque ses compétences sociales. Se déridant, juste un peu, elle secoue la tête en signe de négation avec lenteur. Elle finit par soupirer. « Dans les deux cas, il semble que nous allons devoir aller à la pêche aux indices et espérer taper juste avant le dernier. » Elle hausse les épaules, un peu déprimée par l’idée de ne pas pouvoir faire de tri et de devoir taper relativement au hasard, mais ont-ils seulement le choix ?

La rousse finit par s’absorber dans ses pensées, qu’elle tente d’organiser en même temps qu’elle organise sa table de travail. Le travail sur le rouet lui ayant pris l’écrasante majorité de son temps depuis que la malédiction avait frappé, elle n’a pas pris le temps de ranger et beaucoup de choses traînent. De toute façon, dans l’attente de la bestiole, elle ne peut guère faire mieux, et essayer de taper causette à Geralt… ? Pour lui dire quoi ? Belle, la vie, avec Yennefer ? Mouais. L’envie d’aborder le sujet de la magicienne aux cheveux sombres et aux yeux violine n’est pas là, même si cette dernière et leur amitié, et ça lui fait mal de se l’avouer, lui manquent. Mais bon, au moins, le manque, la colère, la jalousie, la peine… Autant d’émotions négatives, mais des émotions quand même. La preuve qu’elle est vivante. La preuve qu’elle ne perd pas encore son âme, comme tellement de magiciens avant elle, qui se sont blasés de la vie et de tout ce qu’elle peut offrir… Dans sa longévité et la force de sa magie, Triss reste humaine, et ça, quelque part, ça lui fait plaisir.

Finalement, l’intermède silencieux est rompu par l’arrivé de la commande du Loup Blanc. Un chat livré en express. Si elle ne manque rien de sa façon de faire face aux jeunes filles impressionnables, elle ne fait aucun commentaire, connaissant assez le sorceleur pour connaître par cœur ses mécaniques, aussi avare de conversation soit-il. Ce que Geralt ne dit pas, Triss le compense allègrement en perspicacité, perspicacité qui s’affine allègrement grâce à l’expérience et à cette humanité à laquelle elle refuse de renoncer. Même si c’est douloureux pour elle, la rouquine ne doute pas qu’une certaine empathie contribue à faire d’elle une meilleure magicienne. « Si tu voulais un chien ou plus gros, ce n’était pas des servantes que tu devais envoyer, Géralt… » Elle le tance, gentiment, hausse les épaules avec un sourire en coin. Il est plus facile d’amadouer un chat qu’un chien, et les rats sont bien plus repoussants. S’attendant à ce que le sorceleur pique lui-même le chat, puisqu’il était dans l’élan, sa surprise est manifeste quand il lui tend la bête. Le nez de Triss se fronce légèrement. « Mais oui, je vais faire ça moi-même, les mains nues, alors que toi tu as des gants qui résistent aux manticores ! » Précieuse, elle se passe une main dans les cheveux. « Tu portes les cicatrices avec bien plus de prestance que moi, Géralt. Tu t’en occupes. » Bien sûr, si elle avait dû le faire, elle l’aurait fait, et une part d’elle-même en avait envie, rien que pour prouver au Loup Blanc qu’elle pouvait se passer de lui, mais… Où serait passé le plaisir de jouer avec ses pieds ? Son sourire en coin l’atteste d’ailleurs, autant que sa position feinte de modèle outrée qu’on puisse la penser prête à mettre sa plastique en danger… Même si, pour qui connaît Triss, on ne peut nier une part de vérité dans ce jeu de faux-semblant. La bataille de Sodden est tristement passée par-là et n’a pas été sans conséquences. C’est vrai qu’elle porte les cicatrices avec moins de prestance que Géralt, puisque ses propres cicatrices, elle a tenu à les faire disparaître pour ne plus jamais, ou presque, y penser…
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Geralt de Riv
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MessageSujet: Re: Sommeil de plomb, lit de plume.   Sommeil de plomb, lit de plume. EmptyJeu 10 Juin - 23:45

Un petit grognement. C'est la réponse que pousse Geralt quand Triss vient à lui faire comprendre que c'est à lui qu'incombait la tâche d'aller piquer l'animal sur le rouet.

« Hm, je me souviens d'une route entre Neuven et Vengerberg. Des chariots de marchandisent s'agglutinaient sur des centaines de mètres, le chemin était bloqué par une manticore adolescente qui avait décidé que la route faisait partie de son territoire. Je ne travaille pas gratuitement, et le fils du seigneur local était pingre. Il a fait harnacher sa monture. Il a enfilé son pourpoint, sa cote, ses plates et il a foncé sur la manticore. Son cheval, armuré des oreilles aux sabots, a été coupé en deux dans la seconde et l'idiot percé de part en part par le dard de la manticore. Pourpoint, mailles, plates.»

Raconta le Sorceleur avec son ton morne habituel. Tout ça pour une conclusion plutôt bête :

« Les gants ne résistent pas aux manticores. »

Un fin sourire écorcha ses lèvres. Imperceptible, mais bel et bien là. Une sorte de plaisir malin. Geralt était bien content d'avoir fait perdre son temps à Triss, ne serait-ce que pour quelques secondes.

« Ces gants sentent sûrement encore le sang de toutes les créatures que j'ai pu dépecer... »

Là, il râlait de nouveau. Principalement parce qu'il s'était quand même docilement dirigé vers le rouet, et qu'à chaque pas, le chat devenait plus hargneux dans ses tentatives d'échapper à la prise du Loup Blanc. Quand l'animal fut trop frénétique, le Sorceleur changea radicalement sa prise en attrapant dans chaque main une paire de patte, tenant l'animal, le dos vers le sol, incapable de bouger sinon en essayant de se dégager en vain, donnant lieux à une sorte de balancier un peu stupide. Un toucher plus délicat aurait certainement rendu la situation moins périlleuse.

Trois pas plus tard, le Sorceleur achevait son office en piquant la croupe de l'animal qui se raidit totalement de douleur quand l'aiguille l'atteint. Geralt cru qu'il s'était endormi, mais moins d'une seconde plus tard, l'animal se mettait à feuler de rage et à cracher. Dans le doute, il ne le lança plusq qu'il ne le relâcha, le laissant courir pour se planquer sous une étagère de potions. Deux yeux vert luisaient de rage sous l'obscurité du meuble et chaque pas du Sorceleur générait crachats, miaulements et grondements.

« Hm. Le rouet était peut-être conçu pour n'ensorceler qu'une personne. Soit la première qui s'y piquerait. Soit une personne en particulier. Soit que les chats ne sont pas sensibles à son maléfice.»

Le fait que son médaillon s'agite à proximité de l'engin tendait à désigner que les deux dernières suggestions étaient probablement les plus proches de la vérité. Mais là encore, la magie à ses raisons que la raison ignore.

« Triss, il faut qu'on aille parler à ceux qui ont un intérêt à faire dormir cette fille. Tu sais comme moi que les malédictions, les sorts et parfois même les monstres eux-même ne sont que les conséquences des mesquineries et de la bassesse des gens.»

••••••••

« Envooooole toi, ma Petite Hirond... »
« Non, pas cette chanson. » Grommela le sorceleur.
« Les oiseaux ce sont... »
« Non plus. »

Le batelier gnome tira une drôle de tête et vint se gratter la joue avec une expression de profonde réflexion qui lui donnait un air affreusement sournois.

« Maître Sorceleur, je suis votre obligé. Mais il m'est nécessaire de vous dire que je n'ai aucune idée de ce que je pourrais vous chanter pour cette traversée romantique. »

Geralt lança un regard vers Triss d'abord, et sur les alentours ensuite. Le long des quais, les cadavres de pestiférés s'entasser. Ils croisaient des bateliers qui menait de petits péniches un peu plus loin vers de petites barges où l'on brûlait les morts en série, loin de la vie, sur l'eau.

« Soit, je conçois que la notion de romantisme ne transparaît pas de suite compte tenu du paysage actuel. Mais j'aurais pu égayer votre périple. »
« Batelier... dix Marks si tu te tais. »

Le gnome eut le regard brillant, avant de jeter un regard vers Triss.

« Pour douze Marks ma bonne Dame, je joins aux regards assassins que vous lui jetez les chansons de votre choix. Onze Marks si elles indisposent monsieur, à ce prix, c'est donné. »
« Tu viens de perdre dix Marks. »
« Madame n'a pas encore répondu à mon offre. Je prends aussi les Besants. Et je fais le change avec les Orins ! J'ai un ami Hobberas qui travaille dans une banque et qui prête de l'argent à des tarifs pas trop dégueux. »

Geralt soupira et se contenta de grogner en se concentrant sur les mouvements alentours. Ici des pleurs et des morts, là des gens qui vivaient comme si de rien était. Quelques rats festoyaients. Le Sorceleur se demanda depuis quand il n'en avait pas vu de si gros. À ce train là, ils finiront par se tenir sur deux pattes et ils commenceront à parler et à inventer des choses.

Une petite cinquantaine de coup de rames plus tard, l'embarcation s'arrêtait dans un quartier noble où les maisons de maître poussaient en hauteur sur plusieurs étage à défaut de pouvoir s'élargir et de profiter de jardins. Ici, puisqu'on construisait sur l'eau, mieux valait prendre de la hauteur pour montrer son prestige.

« Ma bonne dame devrait... »
« La ferme ! » le coupa le Loup Blanc.
« … passer un capuchon. » finit le gnome. Dans la rue, presque vide, les cliquetis et grincement du cuir et des armes d'un groupe de chasseurs de sorcières se faisaient entendre. Difficile d'entendre parfaitement ce qu'ils disaient, mais visiblement quelqu'un au palais leur avait dit que la magicienne et le Sorceleur iraient poser des questions ici. Soit ils étaient venus les intercepter. Soit ils comptaient les doubler.

« On ne peut pas risquer de déclencher une rixe ici. Le Feu Eternel n'a pas sa place ici, mais je doute que les combats de spadassins plaisent à la population. Une idée pour passer sans qu'ils ne nous voient ? »
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Triss Merigold
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MessageSujet: Re: Sommeil de plomb, lit de plume.   Sommeil de plomb, lit de plume. EmptyJeu 16 Sep - 13:26


Les bras croisés et la mine sceptique, la magicienne rousse écoute la fable du sorceleur. Elle ne le connaîtrait pas, lui et son humour pince sans rire, elle serait sans doute tombée dans le panneau. Maaaais… Elle le connaît, Geralt, et à peine a-t-il commencé son « hors sujet », son histoire, qu’elle sait que la fin ne ressemblera à rien de ce qui pourrait être attendu, et surtout pas à un happy end. Quand la morale tombe enfin, donc, Triss n’est ni surprise, ni agacée. Elle se contente d’afficher un petit sourire mutin, relève le nez et répond « C’est une chance qu’il ne s’agisse que d’un chat, et pas d’une manticore, dans ce cas. » Une façon pour elle de lui dire « allez, au boulot sorceleur ! » et de dissiper tous ses doutes, si tant est qu’il y en aurait eu, quant à la prédisposition de la magicienne à exécuter ce travail à sa place. Sang de créatures affolant les sens de l’animal ou pas.

Toutes tergiversations mises à part, la rouquine retrouve son sérieux au fur et à mesure que la bête s’approche, dans les mains de Geralt, inexorablement du rouet maudit. Index replié contre ses lèvres, ses yeux vert lagune examinent attentivement la scène, la pointe de l’outil qui perce la peau de l’animal, sa très brève léthargie et… Rien. Le nez la sorcière se fronce d’abord de frustration, puis de réflexion. Absorbée dans ses pensées, cherchant à échafauder de nouvelles théories, à comprendre le fonctionnement de la chose, elle n’en demeure pas moins attentive aux conclusions qu’en tire le sorceleur, auxquelles elle acquiesce. « Si c’est lié au sang ou à une seule personne en particulier, il faut que le magicien qui a ensorcelé le rouet ait eu accès à du sang, des cheveux… Quelque chose d’intime de la victime. Tu as raison. Allons parler aux bénéficiaires de cette situation. »

[…]


Balade en barque, donc. Avec un nain chanteur qui plus est. Fut un temps, Triss aurait pu apprécier ce moment… Mais pas dans les circonstances actuelles. Encore moins quand le capitaine jouait les entremetteurs. Et, pour couronner le tout, plutôt que d’endurer la chose dans son mutisme habituel, Geralt décide de râler. Rien d’étonnant, donc, à ce que les regards que la magicienne lui lance soient peu amènes. Désinvolte, et pour clore ce débat ridicule, ET jouer un tour de cochon au sorceleur, Triss envoie une petite bourse contenant une quinzaine de marks au nain, qui l’attrape au vol. « Chante nous donc la Tempête du Loup… » Elle lui demande, le vert inquisiteur de ses yeux cherchant à fendre l’or pâle de ceux de Geralt, alors que le petit homme s’exécute. Pied de nez, elle l’espère, coup d’estoc dans son propre cœur. Elle n’a pas oublié, et tient à faire savoir au Loup Blanc qu’elle n’oubliera jamais.

Bras croisés et mine renfrognée, la magicienne tente de faire abstraction du dégoût et de la peine que lui inspirent les quais mortifères. Tellement de morts… Elle-même n’était pas encore parvenue à trouver une cure ou un moyen préventif contre cette peste… A ce train là, la majorité du continent sera dévastée, ne laissant en vie que ceux naturellement immunisés contre ce fléau. 1% de la population ? Plus ? Que deviendraient les villes ? Combien de villages seraient perdus ? Les temps à venir seront difficiles… Et ils ne sont pas au bout de leurs peines, loin de là.

Bon gré, mal gré, les voilà arrivés à leur destination. L’avantage, dans ce genre de bourgade, c’est que les riches se regroupent entre eux. Dans ce cas précis, ça leur permettra de faire le tour des suspects sans avoir à reprendre le bateau, puisque tous se situent dans le même quartier. Ecoutant le conseil du gnome, Triss rabat sa capuche verte sur sa tête, dissimulant ainsi ses cheveux roux. Mais serait-ce suffisant ? Tout le monde, ou presque, ne sait-il pas à quoi ressemble la magicienne de la cour ? Le fait de trouver des représentants du Feu Eternel pile à l’endroit où ils débarquent cependant est excessivement suspect… Après tout, peu de gens savaient que le sorceleur et elle viendraient investiguer, ce qui fait de l’intendant le premier parmi ses suspects. Cela étant, elle règlera la chose plus tard. Pour l’instant, il fallait qu’ils déjouent la vigilance des fanatiques brûleurs de créatures en tous genres. A la question de Geralt, Triss ose un regard dans sa direction. « Qu’est-ce que tu penserais de la bonne vieille technique du lièvre et des lévriers ? Je les attire et les distraie loin d’ici pendant que tu rentres, et je te retrouve à l’intérieur avec un portail ? » Elle propose, cette technique ayant déjà fait ses preuves, notamment à Novigrad. Mais peut-être que le sorceleur aurait une meilleure idée ?
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